Compaoré veut s'exprimer
Interview
« Envie de devenir champion olympique ! »
Benjamin Compaoré
C’est une délégation française « format réduit » qui participait aux championnats du monde en salle, organisés à Istanbul du 9 au 11 mars 2012. En effet, seuls onze athlètes se déplaçaient dans la capitale turque, certains ayant décidé de faire l’impasse sur cette compétition (comme Mehdi Baala sur 1500 m, Florian Carvalho sur 3000 m, Mélanie Melfort à la hauteur mais aussi Jimmy Vicaut et Christophe Lemaitre sur 60m). Parmi les sportifs présents, le triple sauteur, Benjamin Compaoré affichait ses ambitions et ses motivations en cette année olympique.
Vous venez de remporter les championnats de France en salle en 2012 avec un saut à 17,13m, comment vous sentez-vous ?
Je me sens monter en puissance physiquement, bien que je ne me sois pas exprimé encore pleinement sur la piste, car je n’ai pas pour objectif d’être fort en début de saison. Je n’ai fait que deux concours pour l’instant. Je ne suis pas dans un pic de forme, mais plutôt en préparation. Il faut dire que je n'ai pas spécifiquement travaillé la salle.
Je vais simplement alléger mes séances sur la semaine qui arrive pour faire un peu plus de travail spécifique afin d'être en forme aux championnats du monde en salle. Mais nous sommes en 2012 et l’objectif principal reste les Jeux. Il ne faut donc pas laisser trop de plumes dans la saison en salle.
Benjamin Compaoré et Jean-Hervé Stievenart
Justement, de nombreux athlètes ont décidé de faire l’impasse sur ces championnats du monde en salle, pourquoi avez-vous pris la décision de les disputer ?
C’est important pour moi parce que je sors de plusieurs saisons durant lesquelles j’ai eu du mal à m’exprimer correctement sur la piste. Ces dernières années, j’ai souvent enchainé les problèmes physiques et n'ai donc pu faire les compétions qu'à moitié. Je pense que les Mondiaux vont me permettre de m’exprimer et de me positionner réellement et clairement sur la scène internationale.
Et si, avec Jean-Hervé Stievenart, mon entraîneur, on a fait le choix de faire ces Mondiaux, c’est parce que ce n’est pas forcément dérangeant pour un triple sauteur de sauter à cette période, contrairement aux coureurs de 800m ou de 400m. Je pense que cela peut être un bon tremplin pour la suite !
Dans quel état d’esprit allez-vous aborder ces championnats du monde en salle ?
Je suis assez serein, avec un esprit conquérant. Au bilan mondial, je suis actuellement 5ème, même si les bilans en athlétisme, cela ne veut pas dire grand chose. Mais, j’y vais de toute façon avec l’envie de gagner !
Comment va se dérouler votre saison après ces Mondiaux ?
J’ai déjà prévu avec mon coach que l’on couperait après cette compétition. Je vais prendre cinq jours de repos, puis je me rendrai au CERS à Boulouris pour faire une petite mise au point avec une kinésithérapeute qui me suit là-bas. Ensuite, je repartirai sur un cycle de travail un peu plus lourd où l’on va enlever le spécifique et travailler la quantité. Après, la saison démarrera… avec des passages obligés dans l’été, comme les championnats de France, les championnats d’Europe en extérieur…
Champion du Monde junior en 2006, 8ème aux Mondiaux 2011 à Daegu (Corée), 3ème de la Ligue de Diamant 2011, vous êtes en constante progression. Mais que vous manque-t-il pour décrocher la médaille d’or ?
Une saison sans aucun pépin physique ! C’est clair que l’année dernière, j’ai effectué l’une de mes meilleures saisons. Je suis finaliste mondial à mes premiers championnats du monde, même si mon objectif était de gagner.
Avec le recul, je me rends compte que ce n’était pas mal finalement. Il faut se rendre à l’évidence, j’avais une fissure au tendon rotulien auparavant. Il fallait sauter avec un peu de douleur, en réhabilitant la jambe. Cela ne m’a pas permis de m’exprimer pleinement mais, je suis en train d’arriver tout doucement à mon top niveau.
Finalement, ce qui vous manque, c’est d’éviter toutes les petites blessures qui stoppent votre progression…
Oui, je pense que c’est cela. Le moteur est là, on voit les progrès d’année en année à l’entraînement. J’évolue au niveau métrique, mes performances augmentent. Je ne pense pas que cela reflète réellement mon niveau, mais j’ai une philosophie : chacun a son parcours.
Si je dois attendre plus d’années pour exploser au top niveau, ce sera ainsi. Cela fait partie des qualités du sportif de haut niveau d’être patient. Je le suis. J’essaye de progresser dans les domaines de la prévention, du médical, des soins et d’être sérieux au maximum.
Sentez-vous que vous gagnez en maturité, en expérience ?
Oui, car les blessures te font réfléchir. J’ai vraiment commencé à me blesser après mon titre de champion du monde junior. La gestion des blessures fait grandir autant en tant que sportif qu’en tant qu’homme. Cela nous met face à une autre réalité. C’est évident que lorsque l’on est blessé et que l’on ne peut pas s’exprimer sur la piste, on mûrit…
Teddy Tamgho a-t-il été « une locomotive » pour vous ?
Non, je ne dirais pas ça. Lorsqu’il était plus jeune, j’avais à cœur de lui donner le bon exemple et d’être un modèle pour lui. Puis, les choses se sont inversées et c’est lui qui a réellement explosé au niveau mondial. A ce moment là, j’étais encore un peu dans mes blessures.
Il n’est pas devenu une locomotive pour moi car je n’ai besoin de personne pour avoir envie de réussir, mais c’était plutôt une satisfaction personnelle de voir le sportif qu’il était devenu. C’est plus ce côté-là que je retiendrais, car on s'est entraîné ensemble pendant 3-4 ans lorsqu’il était à l’INSEP.
Y a-t-il une saine émulation au sein du groupe de Jean-Hervé Stievenart, votre coach à l'INSEP ?
Oui, il y a une très bonne entente entre nous… C’est une génération de jeunes qui arrive fort, comme Harold Correa ou Gaëtan Saku Bafuanga qui peuvent exploser cet hiver… Ce sont de bons jeunes qui travaillent et si, à l’heure actuelle, on n’a pas tous le même niveau, on partage tous le même objectif ! Nous sommes dans une vraie logique d’entraide à l’entraînement. Après, en compétition, c’est autre chose. Mais sinon, on se soutient énormément. On s’encourage les uns les autres. Certains donnent des conseils, d’autres en réclament. Mais on va tous dans le même sens…
Cet objectif, c’est les Jeux Olympiques ? Est-il dans votre tête depuis longtemps ?
Oui, c’est dans ma tête depuis 2008. Auparavant, j’étais un peu jeune… En 2008, je loupe la qualification de 8cm. A l’époque, et encore une fois, j’étais blessé… J’ai eu trois compétitions pour me qualifier. Ça été un peu difficile à digérer même si je n’avais que 20 ans !
Maintenant, plus que de décrocher une médaille, j’ai envie d’être champion olympique. Aujourd’hui, faire 2ème ou 3ème serait un échec si l’on considère que mon objectif est de gagner. Je dis cela par rapport au travail et aux sacrifices que je fais tous les jours, par rapport à mon potentiel et mon envie… Alors oui, j’ai tout simplement envie de devenir champion olympique.
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